Petits mensonges épidémiologiques (5)

Publié le 1 Avril 2013

Les petits mensonges épidémiologiques, cinquième prise.

5) "Le déclin de la rougeole n'est pas dû à la vaccination, puisque le nombre de cas/décès a diminué de 99% (ou 98% ou 97%...) bien avant la vaccination, grâce à l'amélioration des conditions de vie et des progrès de la médecine. La vaccination est donc inutile"

Cet argument circule sous différentes formes, pour des pays développés comme la France, l'Angleterre/Pays de Galle, ou les USA.

Il n'est pas recevable si il est exprimé en terme de cas, puisque factuellement, le nombre de cas n'a jamais diminué de 99% avant la vaccination. Il n'est pas recevable non plus sous sa forme exprimée en terme de décès. Pour le comprendre, il faut situer par rapport à quelles dates cette diminution de 99% est exprimée. Si la date de départ ne pose pas de problème, puisqu'il s'agit d'un repère arbitraire (entre 1900 et 1910), il n'en va pas de même avec la date d'arrivée qui ne peut pas être choisie aussi artibitrairement.

Les anti-vaccins étant obnubilés par la vaccination, ils prendront comme date d'arrivée l'année précédant l'introduction de cette dernière (fin des années 60). Certains vont même prendre une date correspondant à l'introduction de la vaccination ROR (années 80), bien qu'on vaccinait déjà contre le rougeole avant l'introduction du ROR...

Considérons l'exemple "1967 et l'Angleterre/Pays de Galle". Pour se débarasser de l'influence des variations bisanuelles de l'incidence, et donc de la mortalité, je vais prendre ici des moyennes sur 6 ans.

-entre 1901 et 1906, on a en moyenne 10564 décès,
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-entre 1943 et 1948, on a en moyenne 486 décès,
-entre 1949 et 1954, on a en moyenne 214 décès,
-entre 1955 et 1960, on a en moyenne 88 décès,
-entre 1961 et 1966, on a en moyenne 104 décès.

Factuellement, entre 1901-06 et 1961-67, on a bien 99% de décès en moins (amélioration de l'alimentation, introduction des antibiotiques, ...).
Mais entre 1901-06 et 1955-60 aussi!!!
Le nombre de décès stagnait donc depuis au moins une dizaine d'années avant l'introduction de la vaccination. La diminution du nombre de décès n'a repris qu'avec la vaccination:

-entre 1967 et 1972, on a en moyenne 48 décès,
-entre 1973 et 1978, on a en moyenne 21 décès.

Qu'en serait-il aujourd'hui si la vaccination n'avait pas été introduite? On sait qu'on aurait une incidence similaire à celle d'avant l'ère-vaccinale. Il faudrait ensuite appliquer à cette incidence le taux de létalité actuel. Or, ce taux de létalité n'a pas non plus évolué depuis la fin des années la moitié des années 50 (expliquant la stagnation du nombre de décès avant l'introduction de la vaccination, comme je l'ai déjà expliqué ici). Par conséquent, le nombre de décès aurait continué à stagner jusqu'à aujourd'hui. On vaccine donc pour éviter ces décès. On vaccine aussi pour éviter les complications qui n'ont pas non plus totalement disparu.

La conclusion est la même pour les USA et la France, qui ont un niveau de développement similaire à celui de l'Angleterre/Pays de Galle. Pour ces pays, on peut donc distinguer une époque où l'amélioration des conditions de vie et les progrès de la médecine sont responsables de la diminution du nombre de décès et une époque où la vaccination en est la seule responsable, grâce à la réduction spectaculaire de l'incidence. Pour des pays moins développés, les effets de l'amélioration des conditions de vie et d'accès aux soins médicaux, ainsi que ceux de la vaccination, peuvent être concomittants. Les effets de l'introduction de la vaccination peuvent être visibles à court terme si la couverture vaccinale est bonne.

La suite au prochain épisode.

Rédigé par Julie

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