Petits mensonges épidémiologiques (6)

Publié le 1 Avril 2013

Les petits mensonges épidémiliologiques, clap de fin.

6) "La vaccination est plus risquée que la maladie naturelle"

Un vaccin est comme toute médicament. Il sera contre-indiqué pour certaines personnes et mènera à des effets secondaires pour d'autres. Comme pour toute action médicale, il convient donc d'en connaître les avantages et les inconvénients, c'est ce qu'on appelle la balance bénéfices/risques.

En ce qui concerne la rougeole, on peut montrer que les bénéfices d'une vaccination généralisée excèdent significativement les risques encourus. Par exemple, chaque année en France, on pourrait éviter quelques quelques centaines de thrombopénies liées à la maladie naturelle, en échange de seulement quelques dizaines de thrombopénies liées à la vaccination.

Donc oui, la vaccination présente des risques, et personne de sensé n'irait le nier. Mais il est malhonnête de
- présenter ces risques sans parler des bénéfices (information tronquée dans le but de mener à conclusion érronée),
- prétendre que ces risques seraient un secret bien gardé, et que seul les plus vaillants lanceurs d'alertes autoproclamés seraient à même de les révéler à la population,
- présenter ces risques en donnant une impression d'amplification, en jouant sur la peur.

Avant d'expliciter ce dernier point, une explication préalable:

Les risques des vaccins, comme ceux de n'importe quel médicament, sont d'abord évalués avant mise sur le marché dans des études cliniques. Dans ce cadre, la surveillance des réactions sera active, et elles seront toutes comptabilisées. Ensuite, une fois mis sur le marché, un système de surveillance passive prend le relai (par exemple, le célèbre VAERS). Si quelqu'un estime avoir rencontré une réaction suite à la vaccination, il (ou son médecin) pourra le signaler au service de surveillance passive. Tout le monde n'est pas motivé pour signaler les réactions, ce qui mène à une sous-notification (ex: c'est le cas des thrombopénies). D'un autre côté, des évènement tout à fait fortuits seront signalés au service de surveillance passive, ce qui mène à un effet de sur-notification pour certains évènement qui sortent de l'ordinaire (décès non expliqué). Il n'est pas toujours trivial de déméler ce qui est notifié à tort ou à raison, ce qui est sous-notifié ou pas. Pour cela, des études à postériori peuvent être requises.

Revenons au dernier tour de passe-passe pour jouer sur la peur. Il suffit de dire
"On a enregistré X cas de thrombopénies aux USA suite à la vaccination rougeole entre telle et telle date. Mais qu'étant donné la sous-notification, il y en aurait 10 à 100 fois plus en réalité, et que ce n'est jamais pris en compte par les autorités pour établir la balance bénéfices/risques",
ou toute autre variation sur le même thème (comme faire passer le nombre issu de la surveillance active pour celui de la surveillance passive, de sorte à pourvoir le multiplier ni vi ni connu par le taux de sous-notification...), pour jouer sur la peur.


Or, la sous-notification est connue parce qu'on a comparé la surveillance passive avec la surveillance active (logique non?). Le vrai nombre de thrombopénies est connu et est bien celui qui est pris en compte et annoncé par les autorités. Mais le ton conspirationiste ("on vous cache la sous-notification") et l'omission du nombre attendus avec la maladie naturelle auront fait peur au lecteur non averti. A ce sujet, lire cette entrée de blog très instructive.

Ici s'arrête la série des petits mensonges épidémiologiques. La "bonne" nouvelle, c'est qu'ils ne s'appliquent pas qu'à la rougeole mais aussi à toutes les maladies infantiles possibles... Oh joie...

PS: pour rire un peu, pensez au bonus.

Rédigé par Julie

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