Vaccinations : la France face à un paradoxe

Publié le 19 Janvier 2016

Alors qu'historiquement à l'avant-garde de la vaccination, la France rencontre bien des difficultés à appliquer (et faire appliquer) une politique vaccinale cohérente. Ces problèmes sont variés et se renforcent parfois mutuellement. La question du maintien ou non des obligations vaccinales, sujet du débat national promis par la ministre de la santé, aura très certainement une influence majeure sur leur résolution ou non de ces difficultés.

 

Petit tour d'horizon...

 

Une distinction entre vaccinations recommandées et obligatoires qui induit les parents en erreur.


En France, la primo-vaccination des nourrissons contre la Diphtérie et le Tétanos (DT) d'une part et contre la Polio (P) d'autre part, ainsi que les rappels de vaccination contre la polio jusqu'à 13 ans, sont obligatoires. Le lecteur intéressé par les détails peut consulter ce billet de novembre 2013 intitulé Dura lex sed lex : l'obligation vaccinale en France. D'autres vaccinations sont recommandées à des âges divers, comme celle contre la coqueluche, la rougeole… comme on peut le constater en consultant le calendrier vaccinal.

Vaccinations : la France face à un paradoxe

En mai 2015, à une lectrice qui me demandait en commentaire,

« pourquoi la France est un des rares pays européens à continuer à imposer des vaccinations ? Si c'était aussi important de faire vacciner ses enfants, l'Europe entière l'obligerait, non ? »

je répondais

« Reprenons les bases sur la distinction entre vaccinations obligatoires et recommandées en France.

Aujourd'hui, la distinction ne porte plus sur des critères "épidémiologiques". En effet, les obligations françaises datent d'une "lointaine époque" où il n'était pas si étrange que ça d'imposer cela au niveau de la population. Cela ne veut pas dire que tout le monde devait se faire vacciner aveuglément. Les contre-indications annulent l'obligation. Ces trois vaccinations obligatoires (DT et P) étaient parmi les premières vaccinations à être proposées. Les vaccins qui sont arrivés par la suite n'ont fait l'objet "que de simples recommandations", car le temps passant, les mœurs évoluent, et il a été jugé plus intéressant de faire appel à la pédagogie, au bon sens de la population, pour mieux atteindre les objectifs de santé publique. C'est ainsi que les vaccinations contre la coqueluche et la rougeole, par exemple, ne sont "que" recommandées, alors que l'intérêt de vacciner contre ces maladies est tout aussi important que l'intérêt de vacciner DT et P.

Ce qui est dommage au fond, c'est que l'obligation soit restée, laissant deux régimes coexister en parallèle. Cela induit la confusion chez beaucoup de parents, mais aussi chez certains médecins, qui considèrent alors les vaccinations recommandées comme "facultatives" du point de vue médical, alors que ce n'est que sur le plan légal. Il faut noter que les vaccinations obligatoires en France sont recommandées partout ailleurs (ou presque) dans le monde. En Belgique, seule la vaccination contre la polio est obligatoire. Or, le risque de Diphtérie ou de Tétanos n'est pas différent entre les deux pays. Il faut vraiment retenir que ce qui prime du point de vue médical, ce sont bien les recommandations. Laissons le reste aux juristes qui font carrière en attisant les revendications de certains parents. Retenons aussi que les pays où il n'y pas d'obligation ont des couvertures vaccinales qui n'ont rien à envier à celles de la France, que du contraire. Cette obligation est contre-productive. Elle braque certains parents qui se sentent dépossédés de leur droit à décider de tout et de rien concernant leur enfant en tant que "parent-expert", et qui réagissent alors en refusant aussi longtemps que possible les obligatoires et, dans les foulée, les recommandées. »

avant de conclure de façon trop optimiste
« Le débat pour lever les obligations existe maintenant depuis plusieurs années en France, et pourrait aboutir dans les mois ou années qui viennent. »

 

Près de 8 mois plus tard, le débat n'a pas abouti et semble à peine entamé. J'y reviendrai dans le prochain billet intitulé « Vers la fin de l'obligation vaccinale en France? Patience Patience ! »

L'impossibilité d'éliminer certaines maladies.


Ce problème de perception de l'importance des vaccinations recommandées a des conséquences évidentes. Par exemple, la France est à la peine concernant l'élimination de la rougeole, en comparaison d'autres pays européens. Si la couverture vaccinale contre la rougeole progresse au fil du temps, elle n'a toujours pas atteint l'objectif de santé publique qu'est le seuil d'immunité de groupe. Les causes de ce problème sont diverses (voir le billet intitulé Pourquoi la France n'a pas encore éliminé la rougeole?). La distinction entre recommandations et obligations y prend une part à côté de l'attrait évident des français pour l'homéopathie. En effet, il existe une corrélation entre l'adhésion à l'homéopathie et le refus de la vaccination. Ce que les antivax savent très bien, puisqu'ils conseillent de se tourner vers des médecins homéopathes pour trouver un médecin conciliant sur les questions de vaccination. Et par médecin conciliant, il faut comprendre « qui acceptera de ne pas vacciner l'enfant, de retarder sa vaccination, voire de trafiquer son carnet de santé ».

 

Vaccinations : la France face à un paradoxe

Cette impossibilité d'éliminer la rougeole s'étend par ailleurs à la rubéole congénitale, puisque la vaccination contre la rubéole est effectuée en même temps que celle contre la rougeole, via le vaccin ROR (Rougeole-Oreillons-Rubéole). En 2005, la France s'engageait à éliminer rougeole et rubéole congénitale pour 2010. On est loin du compte. Entre 2008 et 2012, la France a connu une épidémie majeure de rougeole (environ 20 000 cas et 10 décès enregistrés). Et si le nombre de rubéoles congénitales tend à baisser, elle n'est toujours pas éliminée. La rubéole et la rougeole pourraient d'ailleurs connaître une résurgence à l'avenir. Tant que le seuil d'immunité de groupe n'est pas atteint, le risque sera bien présent.

La pénurie de 2015, dans un contexte où le choix de base était très large.

 

Les vaccinations D, T et P sont obligatoires (et donc recommandées) depuis 1938, 1940 et 1964, respectivement. La vaccination des nourrissons contre la coqueluche est recommandée depuis 1966, contre l' Hæmophilus influenzae de type B depuis 1995 et contre l'hépatite B depuis 2006. Jusqu'en 2008, le choix était très large pour les parents devant procéder à la primo-vaccination de leur enfant :

-  Vaccin trivalent (Diphtérie-Tétanos-Polio), mieux connu en France sous la dénomination « DTP1 » ou « DTPolio »,

-   Vaccin tétravalent (Diphtérie-Tétanos-Polio-Coqueluche), aussi appelée DTPCoq ou DTPCa,

-   Vaccin pentavalent (Diphtérie-Tétanos-Polio-Coqueluche-Hæmophilus influenzae de type B), DTPCaHib

- Vaccin hexavalent (Diphtérie-Tétanos-Polio-Coqueluche-Hæmophilus influenzae de type B-Hépatite B), DTPCaHibHepB.

 

Depuis 2008, le vaccin trivalent DTP pour la primo-vaccination n'est plus produit, à cause d'une augmentation importante du nombre de manifestations allergiques. Il est remplacé par un kit « DT-vax + imovax Polio » (2+1) à commander auprès du laboratoire.

 

Vaccinations : la France face à un paradoxe

On ne peut donc pas nier le large choix présenté aux parents francais avant et après 2008. Trois, quatre, cinq ou six valences ? En rester aux obligations (3 valences) ? Suivre les recommandations (6 valences) ? Opter pour une solution intermédiaire (4 ou 5 valences) ? On se croirait presque au supermarché !

Que font alors les parents face à ce choix ? En 2014, le vaccin hexavalent était le plus utilisé (78 % de couverture), suivi par le vaccin pentavalent pour un peu moins de 20 % des enfants, à peine quelques pourcents des parents optant pour la vaccination tétra ou trivalente. Donc environ 20% des parents n'étaient pas convaincus par la vaccination hexavalente, en dépit des recommandations. Les raisons pour lesquelles cette vaccination est recommandée sont détaillées dans ce billet intitulé Pourquoi vaccine-t-on les bébés contre l'hépatite B ?.

 

Début 2015, une pénurie (sobrement nommée « difficultés d'approvisionnement ») concernant les vaccins contenant la valence coquelucheuse a brouillé les cartes. Le vaccin anti-coquelucheux est de plus en plus demandé au fur et à mesure que différents pays décident de mieux protéger leur population. Les labos ont mal anticipé l'augmentation de la demande et ont décidé de maintenir l’approvisionnement en vaccins hexavalents recommandés et majoritairement utilisés. Fini le vaccin tétravalent. Mais surtout, fini le vaccin pentavalent. Le Dtvax est aussi tombé en pénurie, mais a été remplacé en mai par un vaccin nord américain équivalent. Au final, les parents se retrouvaient avec la possibilité de choisir entre le vaccin hexavalent ou le kit à 3 valences. Voilà donc une situation susceptible de contrarier environ 20 % des parents français, ceux qui opteraient pour 4 ou 5 valences.

 

Quand on sait qu'en Belgique par exemple, les vaccins pentavalents ne sont même pas disponibles (pénurie ou pas), on peut se demander pourquoi la France à la base maintient un tel éventail de possibilités? Pourquoi ne pas mettre à disposition des parents des vaccins DTPHib en faisant l'impasse sur la coqueluche tant qu'on est dans cette « logique de supermarché » ? En fait, à chaque introduction d'une recommandation additionnelle, la France conserve en rayon les vaccins correspondants aux recommandations passées. Si il n'y pas de vaccin DTPHib mais bien un DTPC, c'est simplement parce qu'historiquement, la vaccination contre la coqueluche a été étudiée, et donc recommandée, avant celle contre le HiB. Et il n'y a d'ailleurs qu'en France que des parents demandent un DTP ou un équivalent, obligation oblige !

Et si en 2006, les autorités françaises avaient d'office réduit l'offre à des vaccins correspondant soit aux seules obligations (car si obligations il y a, il faut donner les moyens minimum pour les satisfaire), soit à l'ensemble des recommandations ? Bien évidemment, elles auraient contrarié les parents ne voulant absolument pas vacciner contre l'hépatite B tout en voulant absolument vacciner contre le Hib et/ou la coqueluche. Mais le message aurait été plus clair : la vaccination Hépatite B est aussi importante que les autres vaccinations recommandées ! En Belgique, le message est clair et la couverture vaccinale contre l'hépatite B est ainsi meilleure qu'en France (93% en Flandre où il n'y a pourtant aucune obligation en ce sens, 90 % en Wallonie et à Bruxelles, où la vaccination hexavalente peut être exigée pour l'entrée en crèche). La situation actuelle liée à la pénurie serait aussi plus simple, car essentiellement inchangée. Il serait peut-être temps que les autorités françaises mettent en avant leurs recommandations et cessent de brouiller la communication en donnant l'impression aux parents qu'ils sont au supermarché, et qu'un choix en vaut bien un autre.

Des courants antivax variés dont l'influence semble grandir.


L'antivaccinalisme existe depuis que la vaccination existe. Sauf exception, les leaders antivax  « purs et durs » qui s'inscrivent dans cette longue histoire d'activisme se présentent comme étant « favorables à la liberté vaccinale » ce qui est équivalent à être « opposés aux obligations vaccinales », même si ça sonne un peu mieux. Si ça s’arrêtait là, on pourrait soit être d'accord, soit être d'accord d'être en désaccord. Il s'agirait d'une position philosophique qui n'impliquerait pas forcément de ne pas vacciner, ni de verser dans l'illégalité des faux certificats ou dans l'argumentaire pseudo-scientifique. Mais il est évident que cela va bien plus loin et implique en réalité le rejet de toute vaccination, qu'elle soit ou non obligatoire, par tous les moyens possibles, et en usant de justifications non fondées en vue d'inquiéter les parents.

 

Par essence, ce mouvement fait feu de tout bois. N'importe quelle occasion est bonne pour s'époumoner publiquement. Cette pénurie en vaccins anti-coquelucheux évoquée plus haut, les antivax s'en sont bien-sûr emparés. Ils ont profité de ce flou artistique de la communication des autorités françaises pour appâter les « parents pentavalents », déjà susceptibles d'être réceptifs, et les « parents hexavalents », habituellement hors de leur portée.

 

Le Pr Joyeux a tiré son épingle du jeu, avec une pétition signée par un peu plus de 800000 personnes et déjà évoquée sur ce blog : Vaccin DT-Polio : faut-il signer la pétition Joyeux/IPSN ?. Il y avançait que la pénurie en vaccins anti-coquelucheux de 2015 était une raison pour que les parents exigent le retour du DTP retiré en 2008 et répondant aux seules obligations. Il s'adressait donc, implicitement,

- aux « parents trivalents » pour qui la situation n'a pourtant pas sensiblement2 changé3,

- aux « parents hexavalents» pour qui la situation n'a pourtant pas changé,

- aux « parents tétravalents et pentavalents » qui n'ont plus accès au vaccin de leur choix, mais qui souhaitent pourtant plus qu'une simple vaccination DTP.

Son argumentaire reposait principalement sur son opposition à la vaccination HB et sur le respect des seules obligations légales4, en passant par le thème des adjuvants à base d'aluminium, tout en faisant l'impasse sur l'aspect des vaccinations contre la coqueluche et le HiB, qui sont pourtant à la base désirées par les « parents penta et hexavalents ». Pourquoi la pénurie de 2015 en vaccin anti-coquelucheux serait perçue comme un motif valable pour réclamer un vaccin retiré en 2008 et qui ne protégeait pas contre cette maladie ? Je me le demande encore ! Bref, tout un argumentaire en carton, mais qui a convaincu bon nombre de parents français déjà embrouillés par le flou artistique préalable lié à la distinction entre recommandations et obligations et au large choix maintenu en France pendant près de 10 ans.

 

Il faut noter que le Pr Joyeux n'est pas trop populaire chez les leaders du milieu antivax, qui ne le reconnaissent pas comme un des leurs. Ils ne veulent pas du retour du DTP retiré en 20085, car ils ne veulent pas d'un moyen supplémentaire permettant de satisfaire aux obligations. Cette pénurie n'est pas non plus l'occasion pour les antivax purs et durs de réclamer le retour des vaccins tétra et penta manquants et/ou une meilleure gestion de l'offre par les laboratoires, puisqu'ils ne veulent en fait d'aucun vaccin. Leur idéal affiché de liberté de choix pour les parents est en totale contradiction avec leur manque d'enthousiasme à réclamer le retour des vaccins tétra et pentavalents.

Mais avec cette pénurie, ils en profitent pour se positionner en interlocuteur de confiance, en opposition à des autorités présentées comme incompétentes et/ou corrompues et à des labos accusés d'organiser ces ruptures pour augmenter leurs profits. Pour eux, cette pénurie qui fait parler des vaccins dans les médias est l'occasion de ressortir toute la panoplie des sophismes antivax, tout en ignorant les raisons de l'augmentation de la demande mondiale en vaccin anti-coquelucheux.
 

Le succès du Pr. Joyeux a aussi été perçu avec une certaine circonspection par les associations demandant des vaccins sans adjuvants à base d'aluminium, et qui demandent depuis des années le retour de ce fameux DTP retiré en 2008 et dépourvu de ce type d’adjuvants. Bien que contents de l'engouement que leur cause a enfin suscité, on peut comprendre qu'ils ont un peu l'impression de se faire déposséder de leur combat, par une personne dont l'intérêt pour la question des adjuvants n'est que de circonstance.

 

Vaccinations : la France face à un paradoxe

La problématique des faux certificats de vaccinations.


Un autre problème bien franco-français lié à l'existence des obligations légales est la pratique qui consiste à produire de faux certificats de vaccination (soit par le médecin avec la complicité des parents, soit par les parents directement).

 

L'été dernier, un enfant de la région de Tours a contracté le tétanos. Son pédiatre, qui avait « vacciné le carnet » mais pas l'enfant, a été suspendu pour 18 mois. Cette affaire a été détaillée dans le billet suivant : Tétanos : Quand des enfants paient pour les décisions des adultes.

 

Combien de parents recourent à de telles pratiques en France ? Dans quelle mesure les chiffres de couverture vaccinale sont affectés ?

Des parents qui d'un coté servent de martyrs de la cause, et de l'autre d'exemple.


Autre souci évident : si une loi existe, il serait logique de l'appliquer. Et bien, chose surprenante, les parents poursuivis et condamnés pour refus des vaccinations obligatoires se comptent sur les doigts d'une main.

 

Très récemment, les parents Larère ont été condamnés à deux mois de prison avec sursis pour cette raison :

"Marc et Samia Larère, poursuivis pour avoir refusé de faire vacciner leurs enfants contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite (DTP), ce qui est obligatoire en France, ont été condamné à deux mois de prison avec sursis, jeudi 7 janvier, par le tribunal correctionnel d’Auxerre"

"M. Larère a fait part à l’AFP de son « étonnement » après cette condamnation car « l’indisponibilité des seuls vaccins obligatoires est prouvée ». « On nous condamne pour quelque chose d’irréalisable », fustige-t-il."

Contrairement aux affirmations de M. Larère, ils ont bien réussi à se procurer le kit 2+1 permettant de satisfaire aux seules obligations, mais ont refusé de l'utiliser pour des raisons fallacieuses. En effet, en janvier de l'année passée, ils tenaient un autre discours :

" Ils affirment avoir reçu du laboratoire Sanofi Pasteur deux vaccins ne ciblant que la DTPolio, mais qui contiennent des adjuvants "toxiques" selon eux."

 

Mais pourquoi eux ? Quid des autres parents ? Les Larères sont-ils supposés servir d'exemple ? Cela va-t-il réellement les inciter à régulariser la situation de leur enfant ? En attendant, exemple ou pas, ils servent de martyrs pour la cause antivax. Ils sont présentés comme des parents informés mais persécutés par le système. Pour un couple condamné et médiatisé, combien d'enfants vaccinés en plus et combien d'enfants vaccinés en moins ? Tout cela est probablement contre-productif.

Des objectifs de santé publique qui ne sont pas ou plus atteints.

 

Avec tout cela, on peut se demander si les couvertures vaccinales (CV) D, T, P, C, Hib et HepB sont satisfaisantes en France.

Dans le billet Etat de la vaccination en France, il était question de la situation en 2012 . A cette époque, les objectifs de santé publique était atteints pour les 5 premières valences, tandis que la CV HepB était insuffisante mais en progression. En 2015, les choses ont bougé, comme le constate l'INVS :
 

Diminution de la couverture vaccinale du nourrisson au premier semestre 2015.

La couverture vaccinale du nourrisson pour la primo-vaccination contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, la poliomyélite et les méningites à haemophilus influenzae b, effectuée avec des vaccins combinés qui peuvent également inclure l’hépatite B, est très élevée en France depuis de nombreuses années, autour de 98 %. La couverture vaccinale avec le vaccin Prevenar© dépasse maintenant 90 %. Cependant, entre les premiers semestres 2014 et 2015, l’InVS a observé une diminution du nombre de doses de ces vaccins remboursées chez les enfants de moins de 9 mois. L’InVS estime, à partir de ces données, que la baisse de l’activité de vaccination du nourrisson serait proche de 5 %. Le fait que cette diminution concerne les vaccins combinés mais également le vaccine Prevenar© pour lequel il n’y a pas eu de difficultés d’approvisionnement en 2015, plaide en faveur de l’hypothèse d’un accroissement de l’hésitation vaccinale. Cette baisse constitue un résultat préoccupant.

 

Les problèmes de pénurie et la récupération antivax qui a suivi a fait baisser la couverture vaccinale des nourrissons de près de 5 %. C'est très inquiétant. Par exemple, combien de décès de nourrissons lié à la coqueluche seront à déplorer à cause de cette baisse ? Qui sera à blâmer ?

Les labos pour leur mauvaise gestion de la demande en vaccin anti-coquelucheux ?

Les autorités pour le flou artistique mis en place depuis des lustres ?

Les antivax pour leur opportunisme ?

L'impossibilité de suivre l'état de l'art par peur des réactions du public ou « comment mettre en place une prophétie autoréalisatrice ? »


Ce « flou artistique de la communication » évoqué plus haut, cette impression que les autorités marchent sur des œufs à chaque fois qu'il s'agit d'introduire une nouvelle recommandation de vaccination, ne se fait pas sentir que pour la vaccination Hépatite B des nourrissons.

 

Les autorités craignent tellement la non réceptivité du grand public qu'elles anticipent cette dernière en ne recommandant pas des vaccins qui auraient pourtant leur place dans un programme de santé publique. Ainsi, alors qu'il y a environ 800 000 cas de varicelle en moyenne par an en France (3000 hospitalisations et environ 20 décès associés), qu'il existe un vaccin tout à fait efficace et déjà éprouvé en routine dans d'autres pays (USA, Allemagne, Luxembourg), les autorités françaises y ont pour le moment renoncé. La justification est la suivante :

"La vaccination n’est actuellement pas recommandée en routine en France. Un taux de couverture vaccinale d’au moins 90 % est en effet nécessaire pour éviter le déplacement de l’âge de la varicelle de l’enfance vers l’âge adulte et l’augmentation de l’incidence des formes plus sévères. Cette perspective ne semble pas réaliste vu la réputation de bénignité de la maladie tant dans l’esprit des médecins que du public."

Maintenant, les gens font le raccourci suivant « les autorités disent que la maladie n'est pas assez grave que pour vacciner ». Du coup, le jour où les autorités changeront d'avis, il va être très difficile de convaincre la population qui aura l'impression qu'on lui dit tout et son contraire.

 

Autre grand ratage, la dé-recommandation de la vaccination contre le rotavirus qui est intervenue avant même sa mise au calendrier vaccinal, à cause du battage médiatique concernant ses effets secondaires. Bonne chance pour rattraper la situation ! Pour les curieux, cette affaire a été détaillée ici : Vaccins anti-rotavirus et invaginations intestinales: quelle balance bénéfices-risques?

 

Notons également ce qui semble être un tabou français : l'impossibilité d'envisager la vaccination des femmes enceintes contre la coqueluche, alors que d'autre pays (USA, Australie, Belgique, …) ont pris le train en marche.

Comment sortir du paradoxe ?

Les problèmes sont multiples et complexes et je ne prétends pas détenir les solutions. Mais je suis à peu près certaine que la mise en place du « débat national » promis par la ministre de la santé ne fera pas de grands miracles. Il risque bien d'apporter plus de confusion que de clarification dans l'esprit des parents. A mon avis, les autorités ne devraient pas craindre de mettre en avant leurs recommandations vaccinales. Elles devraient arrêter de communiquer en mode « un pas en avant, deux pas en arrière ». Elles devraient tout faire pour mieux expliquer les recommandations au public, plutôt que de laisser le champ libre aux mouvements antivax pour raconter n'importe quoi.


 

1 A l'étranger, la dénomination DTP renvoie plus souvent à un vaccin combiné Diphtérie-Tétanos-Coqueluche, avec P pour Pertussis.

2 La seule chose qui aura un peu perturbé ces parents en 2015 est la période de latence de quelques mois entre la rupture de stock du DT Vax et son remplacement par un vaccin nord-américain. Dans la mesure où ce profil de parents est du genre à retarder au plus possible la primo-vaccination de l'enfant, on peut supposer que ce prétexte tout trouvé pour encore la retarder de quelques mois les aura arrangé au lieu de les contrarier.

3 Au moment de lancer sa pétition, Joyeux ne connaissait pas l'existence du kit 2+1, et s'imaginait que les « parents trivalents » étaient sans solution depuis 2008. Mais pourquoi avoir attendu 2015 pour s'en inquiéter et lancer une pétition ? En fait, ce qui a fait bouger Joyeux était son impression que tous les parents étaient obligés d'utiliser le vaccin hexavalent, et donc de vacciner leurs enfants contre l'hépatite B. Vacciner des bébés contre ce qu'il considère comme n'étant qu'une MST le turlupine donc au moins autant que de vacciner les jeunes filles contre les infections à HPV, sujet d'une autre pétition...

4 Même si certaines de ces interventions médiatiques entretiennent l’ambiguïté sur sa véritable conviction sur ce point...

5 Au fond, ils apprécient généralement le retrait du DTP en 2008. Associé à une feinte méconnaissance de l'existence du kit 2+1 ou un refus d'utiliser ce dernier, ce retrait leur sert à prétendre qu'il serait impossible de satisfaire aux obligations légales. C'est vraiment pas de chance !, Eux qui souhaitent si fort vacciner leurs enfants  (sarcasme inside). Ils sont même peut-être un peu jaloux du succès d'un Pr Joyeux qui arrive à mobiliser 800000 parents en quelques mois là où eux ont mis des années à en mobiliser quelques dizaines de milliers.

Rédigé par Julie

Publié dans #Actualité

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V
pour la varicelle, je suis encore très déçu de ne pas avoir trouvé d'information et de conseil pro-vaccin avant que ma fille ne la contracte (pédiatre disant que vaccin pas efficace/doutes sur l'immunité de long terme à l'âge adulte)... Elle l'a eu exactement 10j après que j'ai compris que le vaccin valait le coup et que c'était une chose à faire. <br /> J'espère simplement qu'elle n'aura pas de séquelles (cicatrices)... sinon je m'en voudrais longtemps<br /> En tout cas, le prochain, je le vaccine
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