Coqueluche: du vaccin à germes entiers au vaccin nasal
Publié le 3 Mars 2014
La vaccination a pour but d'éduquer le système immunitaire spécifique/adaptatif, sans avoir à développer la maladie une première fois. L'idée est de mettre le système immunitaire de l'hôte en présence de produits qui ressemblent aux facteurs de virulence issus de la bactérie (mais sans être virulent, c'est-à-dire sans causer de symptômes) pour qu'il apprenne à fabriquer les produits qui permettront de détruire les facteurs de virulence en cas de contact futur avec l'agent pathogène.
Les types de vaccins contre la coqueluche utilisés jusqu'à maintenant on été développés de façon plutôt empirique en fonction des moyens techniques disponibles et avec une compréhension plus ou moins limitée de la façon dont ils conféraient une protection. Limitation qui est la conséquence de la compréhension plus ou moins limitée également de la pathogénèse, à l'époque de l'élaboration de ces vaccins.
Vaccin du passé : à germes entiers
Le bacille de la coqueluche a été isolé en 1906. Dans les décennies qui ont suivi, un premier type de vaccin a été mis au point et introduit dans dans les années 40. Il s'agissait d'un vaccin à germes entiers. Ce vaccin contient une forme tuée (par chauffage et formol) de la bactérie entière et est administré par voie intramusculaire. On présente ainsi au système immunitaire une grande quantité d'antigènes différents sans pouvoir en contrôler précisement leur dosage individuel. Au final, le vaccin paie son efficacité au prix d'effets secondaires plus ou moins graves et assez fréquents:
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douleur et sensibilité au point d'injection, fièvre, irritabilité et somnolence chez un tiers à la moitié des enfants vaccinés,
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pleurs persistants et inconsolables pour 1 dose sur 100,
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fièvre élevée (plus de 40 °C) pour 1 dose sur 330,
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convulsions fébriles pour 1 dose sur 1750.
Les différents fabricants de vaccins à germes entiers utilisent des souches différentes de la bactérie. Les différents vaccins ont donc une efficacité qui peut varier considérablement. L'efficacité observée peut également différer en fonction de la définition qui est retenue pour la maladie (diagnostic clinique ou biologique, durée de la toux, etc...). L'efficacité des différents vaccins en fonction des différentes définitions peut aller d'environ 45% à 95%. L'efficacité moyenne, d'un schéma à trois doses, en utilisant la définition de l'OMS pour la maladie, est de 78% chez l'enfant.
La balance bénéfice-risque de ce vaccin était clairement positive à l'époque de l'introduction du vaccin (années 40), où la létalité de la coqueluche était supérieure à celle d'aujourd'hui. Echanger des décès contre des fièvres élevées et des convulsions était clairement une bonne politique de santé publique. La létalité de la coqueluche typique a ensuite atteint son minimum au cours des années 50 avec un taux de l'ordre de 1 à 5/10000 malades et le vaccin à germes entiers a commencé à être perçu par le public comme trop dangereux par rapport à la maladie. Il y a eu une controverse dans les années 70, alimentée par des mouvements opposés à la vaccination. Pourtant, même avec cette létalité minimum, la balance bénéfice-risque du vaccin à germes entiers est toujours positive, puisque le vaccin n'est pas létal. Même le taux de convulsions est plus faible avec le vaccin à germes entiers (1/1750 doses) qu'avec la maladie (1/100 malades).
Vaccin du présent : acellulaire
Pour améliorer la balance bénéfice-risque de la vaccination, le développement de vaccins d'un nouveau genre a été entrepris dans les années 80. Cela a été rendu possible à l'époque par une meilleure compréhension du rôle des facteurs de virulence et de la façon dont le système immunitaire y réagit au cours d'une infection naturelle. L'idée était de ne plus utiliser des bactéries tuées entières, mais des pièces détachées : certains de ses facteurs de virulence, sous forme inactivée. Cela permet de mieux doser les antigènes et de réduire ainsi la fréquence et la gravité des effets secondaires. Comme les bactéries sont parfois appelées cellules, ce type de vaccin est appelé acellulaire.
Selon le vaccin, le nombre d'antigènes utilisés est différent, mais l'hémagglutinine filamenteuse (FHA) et la toxine pertussique sont toujours présentes. Pour les vaccins disponibles en France, 2 à 4 antigènes sont utilisés dans des proportions données et les vaccins destinés aux rappels sont moins dosés (voir tableau suivant, issu du Guide des vaccinations 2012).
La douleur et sensibilité au point d'injection se produit chez environ 1/3 des enfants, le plus souvent à la quatrième ou cinquième dose, tandis qu'une réaction grave n'est observée que chez un enfant sur 10 000. Le profil de sécurité est donc bien meilleur que celui du vaccin à germes entiers.
Les vaccins utilisés en France ont une efficacité de l'ordre de 85%. Il est difficile de comparer l'efficacité des vaccins acellulaires avec celle des vaccins à germes entiers, à cause des différences qui existent entre les vaccins produits par différents fabricants et des différentes définitions adoptées pour la maladie au cours des études d'efficacité. L'OMS conclut que :
Toutefois, les meilleurs vaccins acellulaires sont plus efficaces que les moins bons vaccins entiers, mais peuvent être moins efficaces que les meilleurs vaccins entiers, pour prévenir la coqueluche.Il semblerait également que la durée de l'immunité conférée par le vaccin acellulaire soit plus courte que celle conférée par le vaccin à germes entiers. Une meilleure observance des rappels à effectuer par les adultes est donc primordiale pour maintenir le niveau de contrôle obtenu avec le vaccin acellulaire.
Les vaccins acellulaires sont aujourd'hui d'usage courant dans les pays développés. Les pays en développement sont encore fortement dépendants des vaccins à germes entiers, moins onéreux à produire.
Vaccins du futur ?
A l'avenir, élaborer des vaccins plus efficaces, mieux tolérés et/ou plus facile d'administration pourrait permettre un meilleur contrôle de la maladie.
Les vaccins à germes entiers et acellulaires sont administrés par voie intramusculaire et induisent la production d'anticorps IgG que l'on retrouve essentiellement dans le sérum, alors que la bactérie infecte l'hôte par la muqueuse respiratoire. Les IgG peuvent quitter le sérum pour aller vers la muqueuse, mais pas en quantité suffisante pour éviter l'infection. Ils permettent néanmoins d'éviter le développement de la maladie et des symptômes comme la toux et donc de limiter la contagiosité.
Une piste prometteuse est un vaccin vivant atténué à administrer par voie nasale, ce qui permettrait d'induire une immunité mucosale (anticorps IgA) empêchant l'infection des voies respiratoires. Un tel vaccin pourrait s'avérer plus efficace, fournir une protection à plus long terme, nécessiter moins de doses et convenir aux nourrissons trop jeunes pour les vaccins classiques et qui constituent la population la plus sensible à la maladie, tout en constituant une solution logistique acceptable pour les pays en développement. Un vaccin de ce genre est en cours d'étude. Un essai clinique de phase I vient d'être effectué, avec des résultats prometteurs. Le chemin sera encore long avant une éventuelle mise sur le marché.