Coqueluche: la pathogénèse

Publié le 25 Février 2014

Pour comprendre comment les différents types de vaccins contre la coqueluche ont été pensés, il faut tenir compte de l'évolution des connaissances à propos de la façon dont l'agent pathogène interagit avec l'individu infecté (la pathogénèse). Dans ce billet, je vais décrire brièvement ce que l'on en sait aujourd'hui. L'historique des différents types de vaccins sera l'objet du billet suivant.

 

Facteurs de virulence

 

Bordetella pertussis est un bacille, c'est-à-dire une bactérie de forme allongée. Elle possède une coque qui entoure sa paroi. Les symptômes de la maladie (locaux et systémiques) sont dus à diverses protéines synthétisées par la bactérie, que l'on appelle facteurs de virulence. Ces facteurs de virulence sont nombreux et ont des noms et des abréviations complexes et variés, comme vous pourrez le constater avec les deux représentations ci-dessous (tirées d'ici et de ).

Coqueluche: la pathogénèse
Coqueluche: la pathogénèse

Ces protéines sont classées en adhésines (si elles ont la faculté d'adhérer à une partie de l'hôte) et en toxines (si elles sont toxiques pour l'hôte). Pour les besoins de la pédagogie, il est préférable de se limiter aux principaux facteurs de virulence lors de la description de la pathogénèse, d'autant plus que cette dernière n'est pas encore entièrement élucidée aujourd'hui.

 

L'immunité innée et son sabotage

 

La bactérie infecte le système respiratoire de l'hôte par inhalation. L'air inspiré suit la route suivante: nez – pharynx - larynx – trachée – bronches – bronchioles – alvéoles pulmonaires. Au cours de son voyage, les impuretés qu'il contient pourront être arrêtées par la barrière anatomique que constitue la muqueuse respiratoire présente au niveau du nez, du larynx, de la trachée, des bronches et bronchioles ou par la barrière phagocytaire des alvéoles pulmonaires.

Coqueluche: la pathogénèse

Une muqueuse est un tissu qui tapisse les cavités du corps qui communiquent avec l'extérieur. Ce tissu est divisé en trois parties, avec de l'extérieur vers l'intérieur: l'épithélium, la lame basale et le chorion (voir schéma simplifié ci-dessous et ici pour des illustrations plus détaillées).

Coqueluche: la pathogénèse

Du mucus est produit par des glandes situées dans le chorion de la muqueuse respiratoire et est amené "en surface" par des canaux glandulaires. L'épithélium respiratoire est composés de deux types de cellules : une minorité de cellules à mucus qui comme leur nom l'indique, fabriquent du mucus; et une majorité de cellules ciliées qui possèdent des cils vibratiles dont le mouvement fait remonter le mucus. Le mucus est produit en continu. Les cils de la trachée et des bronches le font remonter, tel un tapis roulant qui entraîne avec lui toutes les impuretés (poussières, microbes) qui s'y seraient déposées. Le mucus est alors dégluti (berk!), sauf en cas de production trop importante. Dans ce cas, la toux se déclenche et une partie du mucus est expectorée (reberk!).

Les avéoles pulmonaires servent aux échanges gazeux et ne sont pas munies de ce tapis roulant protecteur. La protection de l'hôte y est alors assurée par des macrophages alvéolaires aussi appelés macrophages à poussières. Ils y patrouillent en permanence et ont pour rôle de détruire les microbes et poussières qui ont réussi à éviter le tapis roulant des étages supérieurs. Les macrophages phagocytent les intrus (en d'autres termes, ils les mangent et les digèrent). Au besoin, ils appellent également en renfort d'autres cellules spécialisées dans la défense contre les micro-organismes étrangers, on parle alors de réponse inflammatoire.

 

B. Pertussis possède des moyens d'échapper aux protections du système respiratoire, voire même de les détourner à son avantage. Ce sont les fameux facteurs de virulence.

Coqueluche: la pathogénèse

Elle peut se fixer aux aux cils vibratiles, grâce à des protéines présentes à la surface de la capsule et qui jouent donc le rôle d'adhésines: les hémagglutinines filamenteuses (FHA sur les figures précédentes), les fimbriae (FIM) et les perctactines (PRN). Le tapis roulant de la trachée et des bronches est alors moins efficace vis-à-vis de la bactérie et elle peut se multiplier plus ou moins tranquillement. Au niveau des alvéoles, elle utilise ses adhésines pour accoster les macrophages et autres cellules de défense. Cette façon de faire, associée dans certains cas à l'action de l'une ou l'autre toxine, lui permet d'être ingérée mais non digérée. La bactérie peut même se multiplier à l'intérieur des macrophages qui vont alors lui servir de taxi pour aller coloniser un autre petit coin de poumon.

Une fois installée, la bactérie produit une toxine qui paralyse et détruit les cils et empêche leur réparation (toxine cytotrachéale, TCT) et une autre toxine qui détruit les cellules ciliées elles-même (toxine dermonécrotique, DNT). Dans le même temps, la toxine pertussique (PT) est peut-être responsable d'une augmentation de la production de mucus, ce qui complique encore un peu plus l'élimination de ce dernier. Le tapis roulant devient défaillant, ce qui déclenche d'abord la toux de la phase catarrhale, et ensuite celle de la phase quinteuse. Le "chant du coq" se produit lorsque l'individu tente de reprendre son souffle alors que la trachée est sévèrement obstruée par le mucus.

 

Les effets systémiques (c'est-à-dire non locaux) sont le résultat la toxine pertussique (PT) et d'autres produits qui, ensemble, vont affaiblir l'organisme et mener éventuellement à des complications respiratoires comme les pneumonies secondaires dues à d'autres bactéries. Un autre aspect dangereux de la toxine pertussique réside dans sa capacité à traverser la barrière hémato-encéphalique, pouvant ainsi causer des complications neurologiques graves (convulsions, encéphalopathies). A noter que B. parapertussis ne produit pas cette toxine, ce qui explique la moindre intensité des symptômes associés à cette bactérie.

 

L'immunité acquise à la rescousse

 

Les barrières anatomique, phagocitaire et inflammatoires constituent une réponse immunitaire non spécifique au pathogène rencontré. On parle d'immunité innée/naturelle. Après les réponses phagocitaire et inflammatoires, diverses interactions entre les cellules immunitaires vont conduire à la mise en place d'une réponse spécifique au pathogène. On parle d'immunité acquise/adaptative. En cas de première infection par un pathogène, l'immunité adapative est relativement longue à se développer. Mais elle a une propriété de mémoire, qui lui permettra d'être plus rapide et efficace en cas de second contact.

 

L'immunité adapative comprend l'immunité humorale:

  • production d'anticorps après le contact avec l'agent pathogène ou ses toxines (réponse primaire),
  • production de cellules mémoires (lymphocytes B) qui seront capables de produire ces anticorps en cas de nouveau contact avec le pathogène ou ses toxines (réponse secondaire).

L'individu apprend ainsi à produire des anticorps dirigés contre les adhésines (FHA, FIM, PRN) et la toxine pertussique (PT).

L'immunité adapative comprend aussi l'immunité cellulaire qui n'implique pas d'anticorps mais des lymphocytes T spécifiques (qui détruisent les cellules infectées par exemple). L'immunité cellulaire participe à la protection contre la coqueluche qui persiste donc malgré des taux d'anticorps bas, voire indétectables. L'immunité cellulaire est actuellement moins bien comprise que l'immunité humorale, en ce qui concerne la coqueluche.

Transmission

 

La toux, essentiellement, va permettre à quelques bactéries voyageuses de changer d'hôte. Chez la majorité des malades, la phase contagieuse de la maladie s'arrête un peu après le début de la phase quinteuse. A ce moment, il ne reste plus de bactéries vivantes au niveau de la trachée et des bronches (les défenses immunitaires auront fait leur travail), mais les dégâts provoqués par les toxines se feront encore ressentir durant de longues semaines de quintes et de convalescence...

Rédigé par Julie

Publié dans #Coqueluche

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R
Bonjour et merci pour votre excellente définition de la coqueluche.<br /> Cependant j'aurai une interrogation à vous soumettre :<br /> La toxine pertussis est produite par la bactérie bordetela pertussis.<br /> On m'a dit que les antibiotiques ont pour fonction essentielle de tuer cette bactérie afin qu'elle ne contamine pas l'entourage.<br /> De plus cette toxine est responsable de la toux qui survient ainsi que les crises d'étouffement.<br /> Bien mais alors si la bactérie est morte, comment se fait-il que les toxines ne disparaissent pas elles aussi ?<br /> Est-il quasiment impossible d'éradiquer ces "sales bêtes", ou bien avez-vous une solution ?<br /> Comment se fait-il que la recherche ne se soit pas penchée sur cette conséquence qui est assez atroce notamment pour les enfants ?<br /> Ces toxines ont-elles le pouvoir de continuer à vivre et de se multiplier seules en dépit de la mort de la bactérie ?<br /> <br /> Autant de questions sans réponses pour moi actuellement.<br /> Merci de m'éclairer sur ce sujet.<br /> Cordialement
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J
Bonjour,<br /> <br /> Les toxines ne sont pas des choses vivantes qui se multiplient seules. C'est juste un produit du métabolisme de la bactérie. Si les bactéries sont tuées, les toxines produites avant peuvent encore agir sur l'organisme. Mais chaque exemplaire de la toxine ne pourra produire qu'une seule réaction chimique avec l'organisme. la réaction "consomme" la toxine.